saka

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samedi 26 juin 2010

je ne sais pas... autoportrait ?

C'est bizarre. Depuis que ma mère est entre la vie et la mort (je sais, nous sommes tous entre la vie et la mort pendant notre existence sur terre mais il y a un moment où on est plus près de la mort que de la vie), depuis donc ce moment où j'ai admis que celle qui m'a donné la vie - cadeau plus ou moins empoisonné mais auquel on finit par s'attacher - va bientôt la quitter, je me prends sans cesse en photo, face à mon ordinateur, donc face à l'écriture puisque c'est le principal usage que je fais d'i-celui, comme si me voir vivante, présente et écrivante me permettait d'accepter d'être la prochaine sur la liste, sans plus aucune barrière protectrice. L'imminence de sa mort me confirme la proximité de la mienne.

2 commentaires:

  1. Je voudrais si c'était possible te faire profiter du rapport à la mort des corses (que l'on retrouve dans certains coins d'Italie et d'Amérique du Sud). C'est indescriptible, dramatique, profond... et très vivant, et on vit avec tout le temps, et souvent très vieux. Ce n'est pas pour rien que nous portons les DEUX prénoms de grand-parents avec la charge d'être nous-mêmes quoiqu'il arrive : grpace à eux nous avons toujours raison... Ma mère va vers les 90 ans et a pensé mourir plus tôt : il y a quelques années, tous les coups de fil, c'est à dire tous les deux jours se terminaient par "tu diras : elle a bien vécu. Et on s'est tout dit, hein, ça servirait à rien d'en dire encore, tu t'en souviendras ?". Cela n'empêche pas le drame ontologique de la destinée, la peine et les sentiments contradictoires et dévastateurs, mais a aide à les vivre, et bien.
    La mère d'un de mes cousins de mon âge, l'an dernier, est morte juste après avoir terminé le projet de menu de sa propre veillée mortuaire et vérifié que les produits étaient bons.
    Et, dans mon enfance, nous recevions à chaque Toussaint un colis de Corse à Paris (où mon père est le seul non-corse à être enterré dans notre cazveau de famille, et le seul nom français sur le marbre !). A l'ouverture, deux couches : d'abord d'horribles fleurs en plastiques, en dessous quelques kilos de figatelli frais avec la mention, "dessus pour nos morts, dessous pour nos vivants" (la Toussaint tombe à un moment parfait pour le figatelli). En Corse, c'est la Toussaint que je préfère, on n'arrête pas de manger très bien et en groupe, tout le monde passe chez tout le monde, et la nuit, dans la pénombre de l'hiver en vue, toute la montagne avoisinante est couverte de lumini rouges, partout où il y a des tombes (et il y en a partout), c'est magnifique et donne des couleurs au souvenir, et une étrange impression de continuité dans la vie, comme si tous nos ancêtres nous soutenaient pour toujours. Et je ne te raconte pas les espèces de Toussaint de fin d'été qui se faisaient autrefois pour les continentaux qui devaient retourner sur le continent et n'avaient pas les moyens de revenir quelques jours à la Toussaint : va raconter à tes copains de lycée à Paris que trois jours avant, tu as joué, regardé les adultes boire force vin rouge, manger des charcuteries et chanter au beau milieu du cimetière, avec toutes les vieilles en deuil assises à côté de la tombe de leur famille, enfants sur les genoux, se prenant un ballon sur la tête par moments... Je n'ai retrouvé cette profondeur grave et joyeuse que chez certains italiens d'Argentine et d'Uruguay.

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  2. Ce rapport à la mort est extraordinaire. Et ton texte passionnant ! Mais, tu vois, je crois qu'il faut en effet se préparer à cet ultime événement de notre vie. Ma mère a toujours été dans le déni total de sa fin, il n'y a pas longtemps encore, elle était hospitalisée en cardiologie et s'indignait que la médecine ne puisse rien faire pour elle ! Cela fait plusieurs mois, devant la lente mais inéluctable dégradation de ses possibilités physiques, je lui disais que la médecine ne pouvait pas empêcher les gens de vieillir et de mourir. Et je sentais bien que j'étais face à un mur puisque sa réponse immuable était : "Oui, tu as raison mais QUAND MÊME...! "

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