saka

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mercredi 24 avril 2013

24 avril 1998

Aujourd'hui, cela fait très exactement 15 ans que Christiane Rochefort nous a quittés.
Je relis, ce soir, certains passages de ses deux derniers livres "Adieu, Andromède" et "Conversations sans paroles" (1997), je me souviens qu'elle me lisait ce qu'elle écrivait au fur et à mesure et qu'elle me demandait mon avis -à ma grande confusion- et qu'elle se mettait en colère quand je lui faisais part de mes craintes quant à ma compétence. Sa dédicace à "Adieu, Andromède" en témoigne : "A Sylvette, à condition qu'elle cesse d'être maso, et elle va...".
J'ai du mal à comprendre qu'elle soit à ce point ignorée, qu'un quotidien comme "Libération" ait pu publier il y a quelques années le "palmarès" des 100 meilleurs écrivains du 20ème siècle sans qu'elle y figure, elle, dont le style, l'écriture, l'humour au second degré, sa merveilleuse férocité sur tous les maux de notre société, son avant-gardisme et son intuition de ce que notre monde allait devenir tant sur le plan de l'écologie que de l'économie et du social, la mettent au premier plan des écrivains prémonitoires, intemporels c'est-à-dire de ceux qui ne se démodent jamais.
Ses deux derniers livres sont un condensé de toute son oeuvre, une sorte de testament adressé à l'homme -au sens d' humanité- , et je défie quiconque -aimant la vraie littérature, cela va de soi- de ne pas désirer lire tout ceux qui les ont précédés.
Je ne peux m'empêcher de citer un extrait  de "Conversations sans paroles" :
"Ce livre, si ça en devient un, ce que pour l'instant j'ignore, ne vise pas à raconter ma vie -chose pour moi sans intérêt vu que je la connais déjà.
 Ce sera, si j'y parviens, à travers ses divagations, et ses émerveillements, l'histoire autrement remarquable, bien que beaucoup moins remarquée, de ce que portent les yeux, de ce qu'ils délivrent, et échangent, au-delà des paroles, et sans elles.
Je ne sais pas si je vais m'en tirer. "

Et la dédicace qu'elle m'a faite de ce livre : " Pour  Sylvette R.
en célébration
de nos chouettes
"Conversations sans paroles"


dimanche 21 avril 2013

je suis pour le mariage pour personne !

Je n'en peux plus d'entendre rabâcher sur toutes les stations de radio, de télé, les comptes rendus des manifs CONTRE le mariage pour tous, des contre-manifs POUR le mariage pour tous, je n'en peux plus de cette hystérisation entretenue par des gens en mal de publicité, des barjot(e)s à la grande bouche, et grande gueule de surcroît, ex-humoristes qui ne font plus rire personne et qui ne se remettent pas d'être tombé(e)s dans l'oubli, des députés qui, si le ridicule tuait, seraient déjà morts plusieurs fois, ceux qui invoquent, évoquent des "enfants qu'on assassine" ??!! On a déjà entendu ça à propos de la légalisation de l'avortement, et, me semble-t-il, c'était alors plus pertinent même si je ne partage pas ce point de vue, mais le mariage pour tous qui assassine des enfants c'est le plein délire, une fantasmagorie du pire mauvais goût, le mariage - pour tous ou pas - ne signifie pas forcément la procréation, il y a des gens "très bien" c'est-à-dire parfaitement hétéros (ouf, ouf ! ouaf, ouaf !) qui ne souhaitent pas avoir d'enfants, personne ne les traite d'assassins, que je sache...
Je suis accablée par la propagation de la connerie à la vitesse grand V qui gangrène la société, accablée par des déclarations du genre de la dernière que j'ai entendue, d'une "manifestante" -contre le M.P.T, c-à-d "mariage pour tous"- trop heureuse d'être interviewée comme une "people"  : "on n'est plus dans une démocratie", "cet état est anti-démocratique" et bla, bla,bla et bla, bla,bla... Si j'étais méchante (je suis juste exaspérée), je souhaiterais à cette "brave" dame de vivre sous une dictature où il n'y aurait AUCUNE manifestation autorisée, où, si elle ouvrait sa gueule un tant soit peu elle se retrouverait illico en taule (pas en "tôle" qui est une faute d'orthographe et de sens évidente mais, hélas ! pas pour tous), éventuellement déportée en camp de concentration ou au goulag ou dans un équivalent de notre monde contemporain.
Je suis accablée d'appartenir à un pays, un peuple qui fût celui de la Déclaration des Droits de l' Homme (personnellement, je suis plutôt favorable à une modification de cette expression en Déclaration des Droits Humains pour des raisons évidentes, en particulier celle où je refuse de me définir comme "homme" même avec une majuscule), un pays, donc, qui s'avère rétrograde, néo-libéral, néo-conservateur, anti-laïque, un pays où la pensée, l'intelligence, la tolérance se meurent.

mercredi 17 avril 2013

retour au livre de Joyce Carol Oates

Celui dont je parlais hier : "J'ai réussi à rester en vie", dont le titre original est beaucoup plus sobre d'ailleurs : "A widow's story". Pourquoi ne pas avoir gardé ce titre en français : "Une histoire de veuve " ? Je suppose que l'éditeur a préféré quelque chose de plus glamour, pour ne pas dire plus vendeur, et plus général aussi : "une histoire de veuve" risque de n'intéresser que des personnes concernées -et lectrices de surcroît-, alors que "j'ai réussi à rester en vie" interpelle (j'ai horreur de cette expression) donc, disons, concerne un beaucoup plus grand nombre de personnes. Pour les lecteurs potentiels qui ne lisent pas la quatrième de couverture, ne feuillettent pas le livre avant de l'acheter, combien sont susceptibles d' avoir "réussi à rester en vie" ? Beaucoup, je suppose, étant donné les épreuves que doit surmonter tout être vivant, pas seulement humain, mais les autres n'ont pas la capacité d'écrire. Bref, je ne veux pas faire le procès du marketing dans le choix des titres de livres, traduits ou non, parce que, après tout, je n'aurai peut-être pas acheté ce livre s'il avait été intitulé "Une histoire de veuve", quoique le seul nom de l'auteur aurait été, pour moi, incitateur.
Ce que je voulais ajouter à mon message d'hier, c'est que j'ai acheté ce livre d'occasion chez un bouquiniste et que de nombreux passages en étaient soulignés, ou bien mis entre crochets, et cela m'a beaucoup émue, car ce récit de Joyce Carol Oates était manifestement en symbiose avec ce qu'avait vécu la lectrice précédente et, pendant que je lisais, je devenais particulièrement attentive à tout ce qu'avait souligné cette femme (cela aurait pu être un homme, mais mon intuition me dit que non),  et je ne pouvais m'empêcher de me la représenter, de trouver des indices sur son identité sociale, son propre vécu et l'écho douloureux que ce récit éveillait en elle, au point que j'ai eu le désir d'écrire un roman dont la lectrice de ce livre serait l'héroïne, avec une vie que je lui inventerais, et c'est là que je fais le lien avec le passage que j'ai cité dans mon message précédent : " ... c'est que je suis submergée d'idées de nouvelles, de poèmes, de romans...etc..." (je ne vais pas tout réécrire, voir ce message d'hier, s'il y en a que ça intéresse). Je trouve cette mise en abyme vertigineuse : une femme-écrivaine- lit le livre d'une autre femme -écrivaine- "commenté" très discrètement (soulignage) par une précédente lectrice ( et pourquoi pas écrivaine ?) et a le désir d'imaginer et d'écrire ce qu'a pu vivre cette lectrice, à partir, et seulement, de ce qu'elle a souligné. Voilà. Mais, retour encore au message précédent : "trouver l'énergie, la force".
Tant de frémissements, de désirs fugaces mais impérieux finiront peut-être par aboutir. Me vient à l'esprit un fragment de poème -mais qui, mais quoi ? à l'aide, mes lecteurs (s'il y en a)- : "et comme l'espérance est violente".

mardi 16 avril 2013

la pire des censures

C'est celle que l'on s'inflige. Si, au moins, on pouvait en identifier la raison... Je souffre de ne pas écrire mais, quand il me vient des idées, des sortes de "fulgurances", je ne prends même plus la peine de les noter, saisie par une sorte d'  "aquoibonisme" -je sais, c'est un affreux néologisme mais, au point où j'en suis...-, bref un tas de bonnes raisons (indéfendables bien sûr et, nonobstant, exécrables). Cependant, j'ai réussi à en trouver une qui, peut-être, tient la route, en lisant le livre de Joyce Carol Oates, écrivain(e) que j'aime beaucoup : "J'ai réussi à rester en vie", où elle raconte la perte brutale de son mari et l'horreur de ce veuvage inattendu. J'ai acheté ce livre en me disant que je n'étais pas concernée, Dieu merci, mais sur l'injonction, soudain, d'une phrase d'un de mes romans qui m'est revenue à l'esprit : "je suis veuve de père" qui était une allusion au terme de "veuve de guerre", en soi assez étrange dans son raccourci sémantique (veuve, à cause de la guerre qui a emporté un époux aimé, ou pas, ou peu, laissons à chacune son histoire singulière). Ce qui m'a attirée et entraînée dans ce récit, outre mon intérêt pour son auteur, c'est qu'il était question d'un deuil et, qu'en le lisant, j'ai retrouvé nombre de sentiments, de "choses vécues", pour reprendre un titre de Victor Hugo que j'ai tant aimé, que j'ai ressenties et ressens encore, depuis la mort de ma mère. Je me suis découverte, ô ironie, "veuve de mère" et, en particulier, en ce qui concerne l'écriture et mon incapacité à y revenir, alors que je sais que c'est ce qui me définit et donne sens à ma vie.
Passons sur le sentiment de culpabilité : je n'en ai pas fait assez, je n'ai pas été assez présente etc. etc., qui doit être le lot commun de nombre d'endeuillés, pour citer seulement un paragraphe de ce récit, qui a trait à l'écriture bien sûr : " Ce qui est étrange et déstabilisant dans ma vie actuelle, ce dont je ne peux parler à personne -ne serait-ce que parce que cela paraîtrait parfaitement insignifiant- c'est que je suis submergée d'idées de nouvelles, de poèmes, de romans -de romans entiers!-qui, l'espace d'un éclair me traversent l'esprit, à la façon de ces images hallucinatoires qui nous viennent quand nous sombrons dans le sommeil; des idées qui apparaissent, s'épanouissent et disparaissent en quelques secondes, quasiment chaque fois que je ferme les yeux. Et je suis certaine que -si j'en avais le temps- si j'avais le temps, l'énergie, la force, l' "inspiration"- je pourrais leur donner une suite, comme je l'ai fait si souvent par le passé."
Loin de me comparer à Joyce Carol Oates, immense écrivain, je reprends cependant à mon compte cet extrait de ce très beau livre, avec un bémol : maintenant, j'ai "le temps", même s'il est vrai que toutes les démarches, paperasseries et autres tracas administratifs qui suivent la perte d'un être aimé vous plongent dans un état second ; une fois tout cela terminé -pour moi, cela va faire trois ans-, il manque encore "l'énergie et la force". A cela, j'ajouterai que la culpabilisation ayant été la base de mon éducation et de mon "élevage", s'en affranchir est un défi supplémentaire et met la barre très, très haut !