saka

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vendredi 16 octobre 2015

lectures et survie "bis"

J'ai beaucoup aimé le très beau livre de Jon Kalman Stefansson (désolée, je n'ai pas un clavier me permettant de mettre les accents sur le "o" de Jon et le "a" de Stefansson) dont le titre est "D'ailleurs, les poissons n'ont pas de pieds" ( Ed. Gallimard), à l'écriture puissante et poétique, et ce talent si particulier des écrivains islandais qui savent raconter l'inextricable écheveau de la vie et de la mort, la sauvagerie et la douceur de la nature, la grandeur et la petitesse des êtres humains, un livre superbe. Juste une citation, au risque d'être coupable de cuistrerie, une incise "La vie, ce pesant fardeau" : "Souvenez-vous tout comme moi que l'homme doit avoir deux choses s'il veut parvenir à soulever ce poids, à marcher la tête haute, à préserver l'étincelle qui habite son regard, la constance de son coeur, la musique de son sang - des reins solides et des larmes."
Dans un tout autre registre -quoique...?- j'ai été happée par les livres de Corine Sombrun, qui a découvert lors d'un séjour au Pérou, ses dons de chamane, c'est-à-dire, sa capacité à passer de notre monde "réel" à l'autre monde, invisible,  celui des esprits. Cette aventure intérieure, tout à fait passionnante, a pour point de départ la perte d'un être cher, perte qu'elle ne peut accepter et qui la conduit donc d'abord au Pérou pour y suivre l'enseignement d'un chaman ( "Journal d'une apprentie chamane" Ed. Albin Michel, 2002), puis en Mongolie ("Mon initiation chez les chamanes", Albin Michel, 2004), et le retour en France ( "Les tribulations d'une chamane à Paris", Albin Michel 2007). Tous ces ouvrages sont disponibles chez "Pocket", et sont absolument passionnants pour tous ceux qui ne sont pas des rationalistes forcenés, qui pensent (à) et espèrent l'existence et la cohabitation de mondes différents mais parallèles.
Dans le même esprit d'ouverture et de questionnement, le livre de Vinciane Despret, philosophe, "Au bonheur des morts"( Ed. La Découverte, 2015) sous-titré "Récits de ceux qui restent", enquête et réflexion extrêmement documentées sur la présence et l'interaction des vivants et de leurs proches disparus.

jeudi 25 juin 2015

survie et lectures : Rosa Montero, Joyce Carol Oates... et d'autres

Et d'abord, les titres : "L'idée ridicule de ne plus jamais te revoir" (Rosa Montero), "J'ai réussi à survivre" (Joyce Carol Oates, mais j'ai un léger doute à propos du libellé exact du titre car, dans l'immense foutoir de ma bibliothèque, je ne le retrouve plus, ce n'est sûrement pas un hasard), "Cinq méditations sur la mort -autrement dit sur la vie- " (François Cheng), "Auprès de moi toujours" (Kazuo Ishiguro) - pas encore lu- et en cours de lecture "La chambre aux échos" (Richard Powers). Sans oublier que je viens d'acheter "L' oubli" (Emma Healey, que je ne connais pas) et donc encore à lire, d'où l'importance du titre dans le cadre d'achats compulsifs de livres ce qui est mon cas.
La lecture a été -est- ma planche de salut tout au long de ces mois effrayants de stress et de chagrin, si elle ne console pas elle permet au moins de s'évader vers des mondes imaginaires, ou bien d'exprimer des sentiments, des sensations semblables à ceux que l'on vit et on se sent moins seul. Quant à l'écriture, la mienne, peut-être la retrouverai-je un jour.
De Rosa Montero, j'ai beaucoup aimé "La folle du logis", livre sur l'imagination et les rêves des lecteurs et des écrivains, lecture et écriture participant d'un même mouvement, d'une même passion, échappatoires à la folie propre à l'humain. Dans ce dernier (mais pas ultime, je l'espère) livre de Rosa Montero, parti d'une commande qui lui avait été faite : une préface au journal de Marie Curie après la mort de son mari, elle découvre, outre le parcours de vie de cette femme exceptionnelle, une communauté de pensée et de douleur, elle-même venant de subir la même perte, je la cite :
 " C' est la première chose qui vous frappe dans un deuil : l'incapacité de le penser et de l'admettre. L'idée ne vous tient tout simplement pas dans la tête. Mais comment est-il possible qu'il ne soit pas là? Cette personne qui occupait tant d'espace dans le monde, où est-elle passée ? Le cerveau ne peut pas comprendre qu'elle a disparu pour toujours. Et toujours, c'est quoi, bon sang ? C'est un concept inhumain. Je veux dire que c'est au-delà de notre capacité d'entendement. Mais comment ça, je ne vais plus jamais le revoir ? Ni aujourd'hui, ni demain, ni après-demain, ni dans un an ? C'est une réalité inconcevable que l'esprit rejette : ne plus jamais le revoir est une mauvaise blague, une idée ridicule. "

mercredi 3 juin 2015

les "progrès de la médecine" ? sur le plan humain : un échec lamentable.

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Voici le courrier "expurgé"  adressé aux médecins qui ont "soigné" mon mari, avec l'espoir que cela incitera d'autres patients ou leurs proches à s'élever contre la brutalité et la violence physique et morale, parfois, hélas ! inconscientes à laquelle ils sont confrontés, otages du service hospitalier et de leur propre désarroi. Il est inadmissible que les personnels soignants doivent être "formés", ce qui est le cas certainement dans les Unités de Soins Palliatifs mais pas dans le cadre d'un Service de Médecine au sens général. La formation médicale souffre d'un manque total d'enseignement psychologique sur la fragilité extrême d'un être humain face à une maladie grave à l'issue souvent fatale. Certains disposent naturellement d'une qualité humaine qui leur permet de traiter leur patient, non pas seulement par des actes techniques, mais par une attention et une écoute bienveillantes et rassérénantes, mais il ne s'agit, malheureusement que d'une minorité, ce que je trouve complètement incompréhensible. Comment peut-on prétendre soigner son prochain, sans éprouver la moindre empathie envers l'être humain qui subit une pathologie dont il n'est pas responsable ? Qu'est-ce que c'est que cette médecine dichotomique, où l'on prétend soigner le corps sans prendre en compte l'esprit ? 
Ce que j'ai compris et qui me révolte totalement, c'est que, si le diagnostic ne prévoit aucune chance de survie à court ou moyen terme, le malade, j'ai envie de dire le condamné à mort n'aura droit qu'au service minimum (chimios "palliatives" - traitement de la douleur + ou - efficace), il est l'incarnation même de l'impuissance de la médecine et donc la représentation d'un échec annoncé pour le(s) médecin(s) chargés de le soigner. Donc, ils vont le fuir et/ou lui jeter à la figure qu'ils ne peuvent rien pour lui, souvent  dans les pires circonstances avec une maladresse confondante, ils sont désarmés, mis en face de leur échec et de leur propre fin mais ne peuvent-ils pas faire un effort pour cacher leur désarroi face à un "patient" au sens étymologique du terme :  "celui qui souffre". Ils auront toujours de "bonnes" raisons à leur lâcheté : pas le temps, nécessité de se protéger etc. Si on ne peut pas assumer la réalité de l'humanité de l'autre, du semblable à soi, on ne peut pas prétendre le soigner.

lettre  aux (in)soignants




à Mr. le Professeur....
au Dr. R...

                                                                                                            T. le 29/05/2015

Madame, Monsieur,

Il semblerait que vous n’êtes pas informés du décès de mon époux : Mr. le Pr. Y. R. ou plutôt pour vous : Monsieur R., chambre..., ..., ..., 21,23 etc. etc. en 7 mois, il en a vu des chambres, des infirmières, infirmiers, aide-soignant(e)s, des sympathiques, des compatissants, des maltraitants dont une certaine infirmière de nuit qui le terrorisait  au point qu’il vous en a parlé, Mr. ... fallait-il qu’il soit traumatisé, lui qui ne se plaignait jamais… J’espère que, par égard pour d’autres patients, cette personne aura été re-cadrée parce que, bien sûr, les familles n’osent pas se plaindre de crainte de représailles sur leur malade : c’est terrible la façon dont, à l’hôpital, le patient et sa famille sont pris en otages, deviennent anonymes, dépourvus de leur dignité, de leur qualité d’être singulier et unique.  On pourrait, éventuellement, en attendre un peu plus vis-à-vis d’un confrère, d’un « camarade » –puisque cette formule paraît vous plaire, Mr..le Pr... issu de la même école, ayant exercé longtemps dans le même hôpital, au sein de la même institution. Il ne s’agit pas là de demande d’un traitement de faveur, juste d’une reconnaissance  de l’appartenance à ce merveilleux corps commun qu’est ..., ou plus restrictivement, le .....
Mr. le Pr.., je vous ai entendu dire à mon mari, alors qu’il y avait une certaine amélioration de l’état de sa jambe gauche, moins enflée, un peu moins douloureuse après une –ou deux- chimio : « Eh bien, vous voyez, ça c’est de la réalité, ce n’est pas de la psychothérapie ! ». Quelle délicatesse, face à un homme malade, amoindri, de dénigrer sa pratique de psychiatre, de psychothérapeute et quelle présomption ! Vous saviez que votre traitement n’était que du temps gagné, et à quel prix, sur le processus de la maladie. Je peux vous dire que les  psychothérapies  pratiquées par mon mari ont connu plus de guérisons que vos chimio, sans maladies nosocomiales à la clé : septicémies, infections qui lui (nous) ont valu tant d’heures d’attente et de stress dans cet abominable service des urgences à propos duquel j’ai beaucoup à dire mais qui ne vous concerne pas directement et qui fera l’objet d’un autre courrier au Médecin-Chef de l’H. ... .... Je vous remercie également de ne jamais m’avoir saluée quand je vous ai croisé durant ces longs et terribles mois dans les couloirs de l’hôpital, ainsi que l’aimable Dr. B. , à votre image, dont je me demande si on lui a appris qu’un sourire, un bonjour et un mot gentil ne lui enlèvent rien mais peuvent être réconfortants pour un patient et sa famille, mais bah ! n’est-ce pas ? ceci n’est que balivernes et psychothérapie…
Dr. R..., merci aussi pour votre délicatesse et l’attention que vous avez apportées à « votre » patient, merci pour lui avoir dit, lors de sa 5ème chimio, alors qu’il pleurait devant vous  et s’inquiétait, non pas de son sort mais du mien : « Vous savez que nous ne vous guérirons pas, mais votre épouse est forte ». Eh bien , voyez-vous, il avait encore un peu d’espoir et il connaissait  ma prétendue force, très relative, mais que j’ai tenté de mobiliser jusqu’au bout. Merci également pour  avoir oublié, lors de la 6ème et dernière chimio, qu’il en était à la 2ème partie et qu’il n’y avait donc pas d’hyper-hydratation à prévoir et surtout pas d’injection de 2 produits mais d’un seul. Si je ne n’avais pas été là, à ses côtés, comme je l’ai toujours été, disant à l’infirmière qui devait lui poser la perfusion d’hyper-hydratation et de la chimio qu’il y avait une erreur, je me demande ce qu’il se serait passé, étant donné son état. J’ai toujours vécu dans un milieu médical, mon père, le Pr. R. ayant été titulaire de la chaire de cancérologie et chef du service du même nom à l’Hôpital Saint-André de Bordeaux et je suis donc assez avertie, mais si mon mari et moi n’avions été que de braves gens ne connaissant pas les possibilités –et grandes capacités-  d’erreur de la médecine, il aurait subi un 2ème bombardement de chimio totalement injustifié. Merci enfin pour les 2 messages de votre secrétaire : le premier sur mon portable, le 20 mai, la veille de l’enterrement de mon mari pour me rappeler qu’il avait un rendez-vous le 11 juin, le 2ème sur le répondeur de mon téléphone fixe le 20 mai également à mon retour de ses obsèques pour le même motif. Vous féliciterez votre secrétaire de ma part, elle fait très bien son boulot. Mais je n’en dirai pas autant de vous : mon mari est parti à l'Unité de Soins Palliatifs de l’hôpital .... à ....le 4 mai, il y est mort le 15 mai. Vous n’avez même pas eu 2 minutes pour prendre de ses nouvelles, en 11 jours ? L' U.S.P. n’avait eu aucune transmission du dossier de mon mari, y compris ses Directives Anticipées que je vous avais remises en décembre. Et dont j’avais heureusement conservé l’original. Le personnel soignant de ce service est formidable, attentionné, respectueux du malade et de sa famille, on se sent là reconnu, soutenu et aidé, ce que je n’ai jamais connu dans votre service où j’espère ne pas revenir, jamais, si je dois souffrir d’un cancer j’irai n’importe où mais pas chez vous.
En revanche, je vous prie de transmettre à vos internes mes remerciements pour leur attention, leur écoute, leur présence et leur humanité avec l’espoir que ces qualités perdureront tout au long de leur carrière et que vous n’aurez pas réussi à les en détourner. 
J’ajoute que j’ai eu de nombreux messages de sympathie d’amis et de confrères de mon mari, d’hommages, de fleurs, et de témoignages de reconnaissance de ses patients pour son grand humanisme, ses qualités professionnelles, son écoute, sa bienveillance et les soins qu’il leur a apportés. Apparemment en-dehors de l’H...., l’information circule et les qualités humaines existent.
S.R.

vendredi 16 janvier 2015

Télescopage de cauchemars...

Depuis plus de trois mois, je vis dans un autre monde, en marge du monde avec un grand M, je survis plutôt que de vivre, au jour le jour, au fil de la menace de l'épée mortelle suspendue au-dessus d' un être aimé, enfermée dans une bulle d'angoisse. Et voilà qu'arrive cette horreur, ces assassinats absurdes, déments, ce chagrin collectif qui vient potentialiser mon chagrin personnel, cette atteinte violente à tout ce qui faisait sens dans ma vie, comme dans celle de nombre de personnes : la liberté de penser, de s'exprimer, la lutte contre l'obscurantisme, le fanatisme, le sectarisme et tous ces trucs en "ismes", l'endoctrinement, l'aliénation de la pensée, de l'esprit critique, de l'intelligence au sens premier du terme, c'est-à-dire de la compréhension et de l'appréhension de l'autre, l'acceptation de la diversité humaine dans un respect mutuel des différences et dans celui, inaliénable, de la vie, le questionnement permanent, le refus de se croire détenteur d'une vérité unique qui, loin d'exister, n'est qu'une construction imaginaire et, le plus souvent, mortifère.
"Je suis Charlie" mais je suis aussi les innombrables victimes de l'abject Boko Haram, les petites filles ceinturées d'explosifs envoyées à un sacrifice innommable, celles capturées et vendues comme esclaves par les immondes individus décervelés et déshumanisés d'un prétendu Etat Islamique qui n'est qu'un Etat du mal absolu, un ramassis de minables sadiques, de brutes sanguinaires, sans foi (et surtout pas islamique) ni loi, d'un cynisme absolu, totalement méprisables. Et je regrette de ne pouvoir lutter autrement que par ce billet insignifiant, totalement investie que je suis par mon propre combat, prioritaire, pour la vie d'un homme, pour la vie tout court.