saka

saka

mercredi 20 novembre 2013

Mort de Doris Lessing

Cette grande dame et immense écrivaine nous a quittés, son oeuvre a joué un rôle éminent dans ma vie -de femme et d'artisane de l'écriture-  elle occupe une rangée entière de ma bibliothèque, pas loin d'Iris Murdoch -je ne pense pas que ce voisinage lui aurait déplu- et une grande place aussi dans mon coeur. Que dire de plus, sinon, que je souhaite à tous ceux qui n'ont pas encore lu les chefs-d'oeuvre que sont "Le carnet d'or", le cycle  "Les enfants de la violence", "Vaincue par la brousse", "Nouvelles africaines" etc.etc. de découvrir cette intelligence, cette réflexion sur la société humaine, ce style, bien sûr. Ce que j'ai aimé encore c'est sa capacité de révolte, d'indignation, son refus de se laisser enfermer dans une (ou des) case(s), elle a été une femme LIBRE, et mieux encore un ÊTRE libre.
Elle avait aussi de l'humour et un sens critique toujours en éveil. Pour l'anecdote, soupçonnant qu'elle était publiée sur l'unique critère de son nom, elle avait adressé à son éditeur un manuscrit  : "Les carnets de Jane Somers - Journal d'une voisine-" sous ce nom-là (Jane Somers) qui fut aussitôt refusé. Pourtant, quand on le lit, c'est bien du Doris Lessing ! Je ne suis pas sûre que la leçon ait été comprise par l'éditeur en question et les éditeurs en général mais là, on est dans une tout autre histoire dont je n'ai pas envie qu'elle vienne grever mon hommage personnel à une femme exceptionnelle. Le monde a perdu une part de lumière.

vendredi 15 novembre 2013

la miraculeuse histoire d'un moucheron

Je n'ai pas d'amour particulier pour les mouches, surtout les grosses bleu-vert vibrionnantes mais les moucherons, modestes et silencieux, m'émeuvent comme tout ce qui est modeste et silencieux. Ce soir, alors que mon dernier verre de vin (Puisseguin Saint-Emilion) vieillissait de quelques minutes supplémentaires sur mon bureau, j'avise une petite chose, immobile et surnageante à sa surface, un moucheron donc, que j'enlève délicatement à l'aide de mon coupe-papier et dépose sur un mouchoir qui devait lui servir de linceul. A ma grande surprise, il s'ébroue aussitôt, bouge ses ailes minuscules et se met en devoir d'arpenter le mouchoir. Sauvé, non pas des eaux mais du vin ! J'ai secoué le mouchoir par la fenêtre -advienne que pourra du minuscule bestiau rendu à la nature- et, après quelques secondes d'hésitation, j'ai fini mon verre de Puisseguin Saint-Emilion, ingérant sans doute quelques infimes particules moucheronnesques, sans doute pas au péril de ma vie mais il aurait été regrettable de sacrifier à un hygiénisme excessif deux ou trois dernières gorgées de ce noble nectar.

mardi 5 novembre 2013

à propos de Liam O'Flaherty (suite)

En fait, cette référence à la "démence", permanente dans le livre dont je parlais hier, est sans doute vraie, bien que le mot me semble inapproprié. Je me demande si cet auteur n'était pas victime d'un stress post-traumatique : il s'était engagé dans la Garde irlandaise en 1915 et il a subi -sans être blessé physiquement- l'explosion d'un obus dans un trou où il s'était réfugié avec d'autres soldats, il a assisté à la désintégration et au démembrement de ses compagnons, et évacué vers un hôpital où il a, apparemment, séjourné dans un service psychiatrique avant d'être renvoyé dans ses foyers. Il raconte cela dans ce livre, et c'est un des passages qui m'ont le plus intéressée. Le côté décousu de son récit, où il parle lui-même de certains moments de confusion mentale, peut s'expliquer par ce traumatisme. Bien sûr, il était vraisemblablement misogyne comme nombre de ses contemporains (il est né en 1896) avant ce terrible événement mais j'admets que ce dernier a dû complètement bouleverser son équilibre mental. Je suis contente d'arriver bientôt à la fin de son livre, sans jamais avoir réussi à y entrer vraiment, car il est, en définitive, plutôt angoissant. Quant à sa dédicace : "J'offre ce poignard à mes ennemis", elle me semble bien traduire son état d'esprit, ses états d'esprit devrais-je dire, il en change souvent, passant d'une grande exaltation à une déréliction totale. Je me demande s'il n'inclut pas ses lecteurs parmi ses hypothétiques ennemis ?
Je ne trouve pas qu'on puisse vraiment le comparer à Céline -peut-être un peu dans le style exclamatif et flamboyant- mais pas dans son approche du sens possible de la vie.

lundi 4 novembre 2013

"à mes ennemis ce poignard" (Liam O'Flaherty)

Il y a quelques mois, j'ai acheté ce livre, à cause de son titre et de son éditeur, hélas disparu  : "Le Serpent à Plumes", qui débuta, courageusement, par la publication de nouvelles d'une grande qualité littéraire, à la présentation fort originale (très beau papier, cahiers non reliés dans pochette plastique) dont je possède la collection complète. Je ne vais pas m'étendre sur la disparition de cette revue, qui m'a fort affectée, comme bien d'autres revues littéraires ("L'autre journal", par exemple), mais celle-ci avait le parti pris de promouvoir la nouvelle comme genre littéraire à part entière -ce que vient de faire le prix Nobel de la littérature avec son attribution à Alice Munro, nouvelliste- bref, je digresse, je digresse, ce qui est totalement contraire à l'essence même de la nouvelle. La dernière digression que je m'autorise c'est que mon premier texte publié était une nouvelle dans une revue, elle aussi disparue bien sûr ("Taille Réelle"), dédiée à ce genre. J'arrête là les digressions, sinon, une fois lancée sur le thème de la nouvelle et de son triste sort en France, je peux devenir intarissable et donc : emmerdante.
Revenons donc à ce "roman" (titre de cet article) dont l'auteur est comparé à Céline, ce qui, pour moi, n'est pas une référence et peut même être complètement rédhibitoire -j'entends, d'ici, les hurlements de ses adorateurs, mais je m'en fous- et, pour tout vous dire, je ne comprenais pas ma difficulté à avancer dans cette lecture, quoi que ce narcissisme exacerbé, cette auto-flagellation complaisante me soient assez pénibles jusqu'au moment où (page 241) je tombe (littéralement) sur ce passage avec lequel je suis à peu près d'accord dans un premier temps : "... qu'est-ce que l'instinct créateur sinon une forme de démence, un déséquilibre de l'organisme physique; dû, vraisemblablement à un "manque" quelconque dans cet organisme, plutôt qu'à la présence d'une qualité que ne posséderait pas l'homme ordinaire." -puis, totalement horrifiée par la suite- : " quant aux femmes, je leur dénie cet instinct créateur, sinon dans la mesure où elles éprouvent le besoin de créer des enfants. Et ce besoin résulte en soi d'un "manque" dans leur constitution."
No comment (je suis bien trop en colère, indignée, révoltée).