saka

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samedi 22 mai 2021

Revenir à l'écriture

Est passé le 15 mai 2021 : 6 ans depuis la disparition,  la fin, le manque toujours présents.

Six années de solitude, d'égarement, de navigation à vue, après un espoir de reconstruction, de retour à l'équilibre, si précaire fût-il, avec pratique de yoga, de méditation en groupe. Très important , le groupe, parce qu'il permet une vie sociale à nouveau, différente certes, tout autre, mais frémissement de vie quand même. Et puis, la rupture, la chute vertigineuse de l'épidémie, du (des) confinement(s) destructeur(s). Je suis revenue à la case départ et depuis je piétine, je fais du sur place. J'étais -un peu- revenue à l'écriture avec la "Lettre à la marâtre"commencée avant la survenue de la maladie  et du deuil de l'homme de ma vie. Publiée par un ami créateur d'une structure éditoriale fort intéressante : "modernités latines"(moderniteslatines@orange.fr), juste avant le premier confinement, en fait sur Amazon. Amazon vouée aux gémonies, sans doute à plus ou moins juste titre, par les librairies fermées comme "non essentielles" par un gouvernement tout autant égaré que moi, et peut-être même encore plus dans une gestion calamiteuse de cette crise sanitaire. Nous avions envisagé une promotion de ce modeste ouvrage où, pour une fois j'abandonnais la fiction afin de me libérer d'une blessure inguérissable et puis tout est tombé à l'eau, la marâtre m'a tuée une seconde fois, et avec moi toutes les victimes de marâtres pour lesquelles j'avais aussi écrit ce texte. 

Alors, aujourd'hui, dans une sorte de dernier sursaut, l'énergie du désespoir, j'ai décidé de livrer des extraits de ce texte dans ce blog sans doute abandonné par les quelques lecteurs qui m'avaient fait l'honneur de s'y intéresser mais tant pis... J'ai l'impression que je pourrais éventuellement me libérer de ce vécu si douloureux et passer à autre chose, revenir à la fiction -ou pas- mais retrouver l'écriture qui, comme la lecture, m'a permis de survivre. Je commence par la quatrième de couverture :

" Il est à la mode d'écrire sur son père, sa mère, leur mort, la maladie qui la précède éventuellement.Ecrire les derniers mois, les derniers jours et conclure par un pardon pour solde de tout compte.

En ce qui me concerne, le pardon me semble impossible tant que je ne pourrai cesser de lécher mes plaies d'une langue répétitive et appliquée, comme le chien auquel mon père nous a comparés, mon frère et moi. Sans doute vaut-il mieux les gratter furieusement, les ouvrir jusqu'à l'os pour laisser s'échapper leurs humeurs putrides, et alors, seulement, espérer leur assèchement, leur devenir en cicatricesenfin non douloureuse, pouvoir laisser la souffrance sortir de soi, l'évacuer, cesser les tentatives de l'étouffer sous les petits coups de langue de la fiction ainsi que je l'ai fait jusqu'à présent.

Ne plus être une momie enserrée dans les bandelettes mortifères mais vivre, libre.

Et écrire. "

vendredi 22 mars 2019

une citation...

Voilà, je viens de la lire dans mon hebdo préféré, elle est extraite d'un documentaire sur Roger Grenier, que je ne peux pas voir, hélas!, n'ayant pas l'abonnement nécessaire.
"Il faut bien finir par redescendre du paradis littéraire pour retrouver le quotidien, où la vérité n'est pas plus vraie que dans les livres, seulement plus difficile à supporter."
C'est ce que je me dis depuis que je lis et écris, et encore plus depuis que je n'écris plus, et n'ai de paradis littéraires que ceux créés par d'autres, mais qui m'apportent, malgré tout, l'énergie de survivre.  

jeudi 24 janvier 2019

lecture du roman "Les vies de papier"

L'auteur  est Rabih Alameddine, peintre et romancier. L'héroïne, libanaise de Beyrouth, nommée par son père Aaliya, ce qui se traduit par l'élevée, celle au-dessus, y raconte sa vie de lectrice insatiable et de traductrice, ainsi, bien sûr, que sa vie réelle, beaucoup moins passionnante de son point de vue. Le regard est critique, plein d'humour, sur son milieu, sa ville, tellement abîmée par la guerre mais l'essentiel est sa passion pour la littérature, passion à laquelle je m'identifie complètement. Je ne peux m'empêcher d'en citer quelques extraits, tellement savoureux, tellement jubilatoires pour qui partage cette passion : "Je me suis depuis bien longtemps abandonnée au plaisir aveugle de l'écrit. La littérature est mon bac à sable. J'y joue, j'y construis mes forts et mes châteaux, j'y passe un temps merveilleux. C'est le monde à l'extérieur de mon bac à sable qui me pose problème. Je me suis adaptée avec docilité, quoique de manière non conventionnelle, au monde visible, afin de pouvoir me retirer sans grands désagréments, dans mon monde intérieur de livres."
Et, plus loin : "Je me suis glissée dans l'art pour échapper à la vie. Je me suis enfuie en littérature."
Qu'ajouter de plus ? 

mercredi 23 janvier 2019

un frémissement de vie ?

Et peut-être un désir de revenir à l'écriture ? La lecture ne m'a jamais quittée, elle m'a permis de tenir la tête hors de l'eau, de ne pas me laisser submerger par la douleur de la perte, de l'absence, du manque. Ils sont toujours là, ils le seront toujours, je le sais, mais si vivre dans les univers différents où m'emportent les livres est un grand bonheur, je sens aussi le manque de ne pas créer moi-même des univers singuliers, les miens, des personnages,  des histoires qui, même s'ils sont souvent inspirés de ma propre histoire, m'emmènent ailleurs. D'abord, par ce travail si minutieux, sur la langue, les mots, afin de trouver ceux qui sont au plus près de ma pensée, qui m'a toujours apporté un sentiment de plénitude. C'est curieux, cet amour des mots, de la précision, ce souci de restituer la vérité des sentiments, des sensations, que je peux partager avec d'autres humains, parce que, finalement, nous vivons tous les mêmes choses et nous l'ignorons, enfermés dans notre ego et donc notre solitude. Qui est universelle, unique et, paradoxalement, identique.



vendredi 6 avril 2018

Adieu au poète, musicien, chanteur, Jacques Higelin

Tristesse depuis que j'ai appris sa mort en fin de matinée. Higelin n'est pas mort, non, non, non. Ce soir, ou plutôt cette nuit j'écoute "Amor Doloroso", et c'est vraiment doloroso, j'ai bu une coupe de champagne, à sa mémoire, et en souvenir de cette chanson extraordinaire "Champagne !", sur laquelle j'ai tant dansé, chanté ! J'ai un magnifique souvenir d'Higelin, venu nous soutenir à Toulon quand le Front National avait gagné la ville -avec un taux minable d'électeurs-, mais le mal était fait, le mal était là.
Il y avait eu une immense manifestation d'opposants à cette idéologie mortifère, puis une opposition critique permanente pendant les années de leur gouvernance lamentable, bref, ils se sont sabordés. Et tant mieux.
Ce jour-là, de cette manifestation,  à laquelle Jacques Higelin était venu apporter son soutien, sa solidarité, nous étions avenue de la République, en face de la mairie d'où nous narguait la femme du maire, une coupe de champagne à la main et je pleurais (au fait, il y avait un mec qui prenait des photos, dont je soupçonne que c'était pour le nouveau pouvoir, j'ai dû être sur un fichier d'opposants, forcément "gauchistes", selon le vocabulaire de cette obédience idéologique qui confond gauchisme et défense de la démocratie).
Je pleurais donc, et Jacques Higelin m'a prise dans ses bras, m'a consolée, avec une tendresse et une bienveillance incroyables, j'ai ressenti une chaleur et une humanité qui m'ont fait tellement de bien.
Il me semble que c'était pour Noël 2013, mon fils cadet, alors journaliste à LCI, m'avait acheté le dernier album d'Higelin, l'avait reçu dans la matinale et, le raccompagnant, lui avait raconté cette anecdote. Et, aussitôt, Jacques Higelin, sur une feuille de papier, a écrit cette dédicace :
"Pour Sylvette, salut fraternel, dans mes bras pour la seconde fois, l'amour vous protège "
Merveilleux message, d'un homme, non seulement d'un immense talent mais d'une grande humanité. 

jeudi 5 avril 2018

Complément à "Complément d'enquête" du 5 avril 2018...

Cela fait un moment que je bous d'impatience, d'énervement, de colère, bref de tout qualificatif désignant une victime d'injustice - moi, surnommée Don Quichotte au lycée pour ma propension à me révolter contre tout traitement que j'estimais injuste envers mes camarades, ce qui m'a valu nombre de convocations devant la directrice de l'établissement, mais passons...) Depuis la mort de Johnny Hallyday -dont je n'ai jamais été une fan-, je m'attendais à ce qu'il est en train de se passer, la querelle de l'héritage entre enfants d'un premier -et même d'un deuxième- lit et veuve éplorée mais déterminée à ne rien lâcher. J'ai connu ça, et cela reste une blessure à vif, et je peux donc affirmer que, non, la loi ne protège pas les enfants d'un premier lit, et que, oui, un père peut déshériter ses enfants -du moins, une partie de ceux-là, à savoir justement ceux du premier lit- sans que cela ne trouble aucunement la Justice même sollicitée, ne répondant à cette sollicitation que par une indifférence totale. J'ai écrit un texte dont le titre est "Lettre ouverte aux marâtres et à la Justice qui les protège" dans lequel je raconte cette douloureuse expérience. Il se trouve qu'au moment où je l'estimais assez abouti pour le proposer à un éditeur j'ai eu une mission beaucoup plus urgente à accomplir. Ensuite,j'ai pensé que, après la terrible épreuve que j'ai traversée, cette partie de ma vie n'avait plus beaucoup d'importance et , ô surprise, voilà que l'affaire Halliday réveille cette douleur non résolue et non reconnue par la fameuse Justice de mon pays, en laquelle, je l'avoue, je n'ai plus aucune confiance. Entendons-nous bien, ce n'est pas tant une affaire d'argent que de "reconnaissance": mon père a renié ses trois enfants légitimes, au profit des deux illégitimes -qu'il a reconnus- pour une, ou des raison(s)que je n'ai jamais comprises. En gros, il a jeté son épouse et dans la foulée, ses enfants, avec l'eau du bain. Quant à la maîtresse, manipulatrice hors pair, elle a été aidée par la démence sénile des dernières années de mon père. Le début de ce texte évoqué plus haut commence ainsi : "Tout l'argent a été pour toi, toujours, tout l'argent", qui sont les paroles même de mon père, lors de ma dernière visite auprès de lui, adressées à sa compagne. Ses dernières paroles sensées. Ensuite il est retombé dans le silence. Il est mort deux mois après. Il avait été un professeur d'université, à la Faculté de Médecine, titulaire de la chaire de carcinologie (avant que cela devienne l'oncologie, terme tellement moins effrayant) chef de service au C.H.U., expert mondial auprès de l'O.M.S. Bref, un "pauvre" homme. Ni ma soeur, ni moi, ni mes neveux (mon frère étant mort à 42 ans) n'avons eu aucun souvenir de lui, pas même un livre, un objet, rien. Nous avons été niés jusqu'au bout, légitimes certes, mais rejetés.

mercredi 10 janvier 2018

insomnie

Depuis combien de temps n'ai-je rien écrit sur ce blog ni nulle part ailleurs ? Ecriture interdite, écriture qui se refuse à moi, alors que je ne vis plus que dans la réalité terrible d'une absence, d'un manque que rien ne peut, ne pourra combler. Je vis par habitude, mécaniquement, avec la sensation que l'imaginaire est mort aussi. Je n'ai plus que la lecture. Bon, je ne vais pas me plaindre, c'est énorme d'avoir gardé au moins cela intact, ce goût, ce désir de lire, cette nécessité de partir dans l'imaginaire des autres puisque le mien ne m'est plus accessible. S'il existe encore. Et dans ce cas, il est bien caché.
Un livre, en ce moment, me touche énormément, je l'ai acheté en octobre 2017, commencé à le lire puis je me suis arrêtée parce que ce qu'il disait m'était insupportable, trop proche de moi, de mon existence intérieure, l'extérieure ressemblant plutôt à une non-existence. Ce n'est pas une fiction mais le journal "de deuil", bien que je déteste ce mot, de Jean-François Billeter : "Une autre Aurélia", publié par les éditions Allia. Ce n'est pas une fiction, mais le récit de la mort de sa femme chinoise, Wen et de ce qu'il vit, ressent, pendant les mois qui suivent sa disparition. Je l'ai repris récemment, et il me fait du bien parce que, d'une part, j'ai enfin l'impression que quelqu'un me comprend, a ressenti, ressent les mêmes choses que moi, et d'autre part m'indique, par petites touches, une voie possible vers autre chose, une acceptation peut-être : "Wen, sorte de basse continue, égale et douce. Quelle chance d'avoir eu cette compagne dans ma vie. J'ai été heureux avec elle, il faut que je le sois sans elle. Je lui dois cela." Ou bien encore : " Deuil, mot affreux. Affreuse aussi la loi du silence qu'observent les autres, qui me parlent de tout sauf d'elle. Craignent-ils de me causer de la peine ? Ou ont-ils peur, au fond d'eux-mêmes ?" Et cela, tellement vrai :  "Heureusement que je suis mortel : cette nostalgie ne durera pas toujours." C'est même, actuellement, la seule chose qui me rend l'espoir.
Ce livre parle pour moi, j'ai souvent eu envie, depuis deux ans, de dire tout cela, sans avoir réussi à en trouver le courage, encore une citation, en forme d'interrogation : "M'en sortirai-je par le récit ? Sera-ce le moyen de recréer un tout, après la perte ?"
Oui, la question est bien là, est-il possible de recréer un tout, quand on est amputé d'une partie de soi-même ?