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Voici le courrier "expurgé" adressé aux médecins qui ont "soigné" mon mari, avec l'espoir que cela incitera d'autres patients ou leurs proches à s'élever contre la brutalité et la violence physique et morale, parfois, hélas ! inconscientes à laquelle ils sont confrontés, otages du service hospitalier et de leur propre désarroi. Il est inadmissible que les personnels soignants doivent être "formés", ce qui est le cas certainement dans les Unités de Soins Palliatifs mais pas dans le cadre d'un Service de Médecine au sens général. La formation médicale souffre d'un manque total d'enseignement psychologique sur la fragilité extrême d'un être humain face à une maladie grave à l'issue souvent fatale. Certains disposent naturellement d'une qualité humaine qui leur permet de traiter leur patient, non pas seulement par des actes techniques, mais par une attention et une écoute bienveillantes et rassérénantes, mais il ne s'agit, malheureusement que d'une minorité, ce que je trouve complètement incompréhensible. Comment peut-on prétendre soigner son prochain, sans éprouver la moindre empathie envers l'être humain qui subit une pathologie dont il n'est pas responsable ? Qu'est-ce que c'est que cette médecine dichotomique, où l'on prétend soigner le corps sans prendre en compte l'esprit ?
Ce que j'ai compris et qui me révolte totalement, c'est que, si le diagnostic ne prévoit aucune chance de survie à court ou moyen terme, le malade, j'ai envie de dire le condamné à mort n'aura droit qu'au service minimum (chimios "palliatives" - traitement de la douleur + ou - efficace), il est l'incarnation même de l'impuissance de la médecine et donc la représentation d'un échec annoncé pour le(s) médecin(s) chargés de le soigner. Donc, ils vont le fuir et/ou lui jeter à la figure qu'ils ne peuvent rien pour lui, souvent dans les pires circonstances avec une maladresse confondante, ils sont désarmés, mis en face de leur échec et de leur propre fin mais ne peuvent-ils pas faire un effort pour cacher leur désarroi face à un "patient" au sens étymologique du terme : "celui qui souffre". Ils auront toujours de "bonnes" raisons à leur lâcheté : pas le temps, nécessité de se protéger etc. Si on ne peut pas assumer la réalité de l'humanité de l'autre, du semblable à soi, on ne peut pas prétendre le soigner.
lettre aux (in)soignants
à Mr. le Professeur....
au Dr. R...
T.
le 29/05/2015
Madame, Monsieur,
Il semblerait que vous n’êtes pas informés du décès de mon
époux : Mr. le Pr. Y. R. ou plutôt pour vous : Monsieur
R., chambre..., ..., ..., 21,23 etc. etc. en 7 mois, il en a vu des
chambres, des infirmières, infirmiers, aide-soignant(e)s, des sympathiques, des
compatissants, des maltraitants dont une certaine infirmière de nuit qui le
terrorisait au point qu’il vous en
a parlé, Mr. ... fallait-il qu’il soit traumatisé, lui qui ne se
plaignait jamais… J’espère que, par égard pour d’autres patients, cette
personne aura été re-cadrée parce que, bien sûr, les familles n’osent pas se
plaindre de crainte de représailles sur leur malade : c’est terrible la
façon dont, à l’hôpital, le patient et sa famille sont pris en otages,
deviennent anonymes, dépourvus de leur dignité, de leur qualité d’être
singulier et unique. On pourrait,
éventuellement, en attendre un peu plus vis-à-vis d’un confrère, d’un « camarade »
–puisque cette formule paraît vous plaire, Mr..le Pr... issu de la
même école, ayant exercé longtemps dans le même hôpital, au sein de la même
institution. Il ne s’agit pas là de demande d’un traitement de faveur, juste d’une
reconnaissance de l’appartenance à ce merveilleux corps commun qu’est ..., ou plus restrictivement, le .....
Mr. le Pr.., je vous ai entendu dire à mon mari,
alors qu’il y avait une certaine amélioration de l’état de sa jambe gauche,
moins enflée, un peu moins douloureuse après une –ou deux- chimio :
« Eh bien, vous voyez, ça c’est de la réalité, ce n’est pas de la
psychothérapie ! ». Quelle délicatesse, face à un homme malade,
amoindri, de dénigrer sa pratique de psychiatre, de psychothérapeute et quelle
présomption ! Vous saviez que votre traitement n’était que du temps gagné,
et à quel prix, sur le processus de la maladie. Je peux vous dire que les
psychothérapies pratiquées par mon mari ont connu plus de guérisons
que vos chimio, sans maladies nosocomiales à la clé : septicémies,
infections qui lui (nous) ont valu tant d’heures d’attente et de stress dans
cet abominable service des urgences à propos duquel j’ai beaucoup à dire mais
qui ne vous concerne pas directement et qui fera l’objet d’un autre courrier au
Médecin-Chef de l’H. ... .... Je vous remercie également de ne jamais
m’avoir saluée quand je vous ai croisé durant ces longs et terribles mois dans
les couloirs de l’hôpital, ainsi que l’aimable Dr. B. , à votre image, dont
je me demande si on lui a appris qu’un sourire, un bonjour et un mot gentil ne
lui enlèvent rien mais peuvent être réconfortants pour un patient et sa
famille, mais bah ! n’est-ce pas ? ceci n’est que balivernes et
psychothérapie…
Dr. R..., merci aussi pour votre délicatesse et l’attention
que vous avez apportées à « votre » patient, merci pour lui avoir
dit, lors de sa 5ème chimio, alors qu’il pleurait devant vous et s’inquiétait, non pas de son sort
mais du mien : « Vous savez que nous ne vous guérirons pas, mais votre épouse est forte ». Eh bien , voyez-vous, il avait encore un peu d’espoir et il
connaissait ma prétendue force,
très relative, mais que j’ai tenté de mobiliser jusqu’au bout. Merci également
pour avoir oublié, lors de la 6ème
et dernière chimio, qu’il en était à la 2ème partie et qu’il n’y
avait donc pas d’hyper-hydratation à prévoir et surtout pas d’injection de 2
produits mais d’un seul. Si je ne n’avais pas été là, à ses côtés, comme je
l’ai toujours été, disant à l’infirmière qui devait lui poser la perfusion
d’hyper-hydratation et de la chimio qu’il y avait une erreur, je me demande ce
qu’il se serait passé, étant donné son état. J’ai toujours vécu dans un milieu
médical, mon père, le Pr. R. ayant été titulaire de la chaire de
cancérologie et chef du service du même nom à l’Hôpital Saint-André de Bordeaux
et je suis donc assez avertie, mais si mon mari et moi n’avions été que de
braves gens ne connaissant pas les possibilités –et grandes capacités- d’erreur de la médecine, il aurait subi
un 2ème bombardement de chimio totalement injustifié. Merci enfin
pour les 2 messages de votre secrétaire : le premier sur mon portable, le
20 mai, la veille de l’enterrement de mon mari pour me rappeler qu’il avait un rendez-vous le 11
juin, le 2ème sur le répondeur de mon téléphone fixe le 20 mai également à mon
retour de ses obsèques pour le même motif. Vous féliciterez votre secrétaire de ma part, elle
fait très bien son boulot. Mais je n’en dirai pas autant de vous : mon
mari est parti à l'Unité de Soins Palliatifs de l’hôpital .... à
....le 4 mai, il y est mort le 15 mai. Vous n’avez même pas eu 2
minutes pour prendre de ses nouvelles, en 11 jours ? L' U.S.P.
n’avait eu aucune transmission du dossier de mon mari, y compris ses Directives
Anticipées que je vous avais remises en décembre. Et dont j’avais heureusement
conservé l’original. Le personnel soignant de ce service est formidable,
attentionné, respectueux du malade et de sa famille, on se sent là reconnu,
soutenu et aidé, ce que je n’ai jamais connu dans votre service où j’espère ne
pas revenir, jamais, si je dois souffrir d’un cancer j’irai n’importe où mais
pas chez vous.
En revanche, je vous prie de transmettre à vos internes mes
remerciements pour leur attention, leur écoute, leur présence et leur humanité
avec l’espoir que ces qualités perdureront tout au long de leur carrière et que
vous n’aurez pas réussi à les en détourner.
J’ajoute que j’ai eu de nombreux messages de sympathie d’amis
et de confrères de mon mari, d’hommages, de fleurs, et de témoignages de
reconnaissance de ses patients pour son grand humanisme, ses qualités
professionnelles, son écoute, sa bienveillance et les soins qu’il leur a
apportés. Apparemment en-dehors de l’H...., l’information circule
et les qualités humaines existent.
S.R.
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