saka

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mercredi 10 janvier 2018

insomnie

Depuis combien de temps n'ai-je rien écrit sur ce blog ni nulle part ailleurs ? Ecriture interdite, écriture qui se refuse à moi, alors que je ne vis plus que dans la réalité terrible d'une absence, d'un manque que rien ne peut, ne pourra combler. Je vis par habitude, mécaniquement, avec la sensation que l'imaginaire est mort aussi. Je n'ai plus que la lecture. Bon, je ne vais pas me plaindre, c'est énorme d'avoir gardé au moins cela intact, ce goût, ce désir de lire, cette nécessité de partir dans l'imaginaire des autres puisque le mien ne m'est plus accessible. S'il existe encore. Et dans ce cas, il est bien caché.
Un livre, en ce moment, me touche énormément, je l'ai acheté en octobre 2017, commencé à le lire puis je me suis arrêtée parce que ce qu'il disait m'était insupportable, trop proche de moi, de mon existence intérieure, l'extérieure ressemblant plutôt à une non-existence. Ce n'est pas une fiction mais le journal "de deuil", bien que je déteste ce mot, de Jean-François Billeter : "Une autre Aurélia", publié par les éditions Allia. Ce n'est pas une fiction, mais le récit de la mort de sa femme chinoise, Wen et de ce qu'il vit, ressent, pendant les mois qui suivent sa disparition. Je l'ai repris récemment, et il me fait du bien parce que, d'une part, j'ai enfin l'impression que quelqu'un me comprend, a ressenti, ressent les mêmes choses que moi, et d'autre part m'indique, par petites touches, une voie possible vers autre chose, une acceptation peut-être : "Wen, sorte de basse continue, égale et douce. Quelle chance d'avoir eu cette compagne dans ma vie. J'ai été heureux avec elle, il faut que je le sois sans elle. Je lui dois cela." Ou bien encore : " Deuil, mot affreux. Affreuse aussi la loi du silence qu'observent les autres, qui me parlent de tout sauf d'elle. Craignent-ils de me causer de la peine ? Ou ont-ils peur, au fond d'eux-mêmes ?" Et cela, tellement vrai :  "Heureusement que je suis mortel : cette nostalgie ne durera pas toujours." C'est même, actuellement, la seule chose qui me rend l'espoir.
Ce livre parle pour moi, j'ai souvent eu envie, depuis deux ans, de dire tout cela, sans avoir réussi à en trouver le courage, encore une citation, en forme d'interrogation : "M'en sortirai-je par le récit ? Sera-ce le moyen de recréer un tout, après la perte ?"
Oui, la question est bien là, est-il possible de recréer un tout, quand on est amputé d'une partie de soi-même ?

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